Loi sur l’assurance automobile du Québec : l’usage d’un quadriporteur est-il susceptible de donner ouverture à l’application de la loi?
La Loi sur l’assurance automobile du Québec1 (la « Loi ») est applicable en matière d’accident impliquant au moins un véhicule automobile. Or, la définition du terme« automobile »retenue par le législateur est très large, de sorte que les tribunaux ont à maintes reprises considéré comme étant une « automobile », au sens de la Loi, certains véhicules qui ne servent pas au transport de personnes ou de matériaux. À titre d’exemple, les tribunaux ont statué qu’un rouleau compacteur2, une excavatrice3, un chariot élévateur à fourche4 ainsi qu’un boutoir5 étaient tous considérés comme des véhicules automobiles au sens de la Loi. On constate donc que la définition du terme «automobile » englobe des catégories de véhicules qui ne correspondent pas toujours à l’acception habituelle du vocable.
Le 22 août 2011, la Cour d’appel, dans l’affaire Société de l’assurance automobile du Québec c. Vaudreuil-Dorion (Ville de)6 a rendu un jugement dans lequel elle précise les critères d’application de la Loi. La principale question en litige dans ce dossier consistait à déterminer si l’usage d’un quadriporteur de marque Shoprider, une sorte de fauteuil roulant motorisé, était susceptible de donner ouverture à l’application de la Loi.
Les faits à l’origine de cette affaire se résument comme suit. Au retour d’une courte promenade, monsieur Sani a chuté violemment sur la chaussée après que son quadriporteur se fut enfoncé dans un nid-de-poule. Madame Duguay, mise en cause / demanderesse, alléguait dans son action que cette chute avait été la cause principale du décès de monsieur Sani. Elle a prétendu que la Ville devait être tenue responsable de l’accident en raison de la négligence dont elle a fait preuve dans l’entretien de ses rues. En défense, la Ville soutenait que le quadriporteur était une automobile, de sorte que le régime public d’indemnisation prévu par la Loi devrait pourvoir au paiement de l’indemnité. Elle présenta donc une requête en irrecevabilité de l’action intentée par madame Duguay, requête qui fut accueillie en première instance. Mme Duguay en a appelé de ce jugement.
Se prononçant quant à l’application de la Loi en l’espèce, la Cour d’appel analysa l’article 10 de la Loi qui prévoit que nul n’a droit d’être indemnisé en vertu du présent titre si le préjudice est causé par une motoneige ou un véhicule destiné à être utilisé en dehors d’un chemin public, tel que défini par règlement.
Mais quel est l’usage d’un quadriporteur? La Cour considéra que cet appareil est un véhicule qui est mû par un pouvoir autre que la force musculaire, qu’il a la capacité de se mouvoir sur un chemin public mais qu’il n’apparaît pas conçu ou destiné à être utilisé sur un chemin public. En effet, il s’agit d’une sorte de marchette motorisée qui permet de faciliter les déplacements et qui est avant tout un substitut à la marche. Au sens de l’article 10 de la Loi, un quadriporteur est donc un véhicule destiné à être utilisé en dehors d’un chemin public parce qu’il est non immatriculé et principalement en usage en dehors d’un chemin public, tel que le prescrit l’article 9 du Règlement d’application7.
La Cour rappelle les propos du juge Baudouin dans l’arrêt Production Pram inc. c. Lemay8, à savoir qu’aussi large et libérale qu’elle doit l’être, l’interprétation de cette Loi à but social et indemnitaire doit demeurer logique et plausible.
En conclusion, la Cour considère que même s’il fallait considérer un quadriporteur comme étant une automobile au sens de la Loi, l’article 10 de celle-ci exclut la possibilité d’indemnisation dans le cas d’un accident de la nature de celui faisant l’objet du litige. En effet, selon l’article 10 de la Loi, si le préjudice est causé par un véhicule destiné à être utilisé en dehors d’un chemin public, aucune indemnisation ne peut alors être versée en vertu de la Loi. La Cour a donc accueilli l’appel et infirmé le jugement de première instance.