Piège – Glissade sur tubes – Obligation du propriétaire de prendre tous les moyens à sa disposition pour éviter la création d’un piège
Girard c. Ville de Baie-Comeau, [2016] QCCS 6541
M. Luc Girard (« Girard») a subi une fracture du pied lorsqu’il a foncé sur un muret au bas d’une piste de glissade en tubes. Il poursuit en responsabilité civile la Ville de Baie-Comeau (« Baie-Comeau»), propriétaire du Centre de ski Mont Ti-Basse. La Cour accueille la demande pour 189 135,76 $.
Faits pertinents
À l’occasion de l’anniversaire de sa fille, Girard se rend au Centre de ski Mont Ti-Basse. Il est accompagné de sa conjointe, de ses deux filles ainsi que de trois de leurs amies. Lors de leur arrivée à 19h, le remonte-pente est fermé et les pistes ne sont pas éclairées. Le préposé à la billetterie leur offre de monter les pistes à pied et de les descendre en tube gratuitement.
Heureux de ce revirement, le groupe se fait remettre les tubes et se rend au sommet des pistes avec un préposé. Les quatre filles aînées descendent la piste en premier. Ensuite vient le tour de Girard. Il s’installe dans le tube avec sa plus jeune fille sur lui et amorce sa descente. Le tube accélère sans cesse. Aussitôt sorti d’une courbe, Girard constate qu’il va entrer en collision avec un muret et tente d’amortir le choc avec son pied droit. Une fracture de la cheville sera diagnostiquée à l’hôpital.
Analyse et décision de la Cour
Afin de dégager sa responsabilité, Baie-Comeau devait démontrer qu’elle avait pris tous les moyens mis à sa disposition pour éviter de créer ce piège. Cette démonstration fut impossible.
D’abord, la Cour n’a aucune preuve qu’il existait une politique énonçant les directives de sécurité. La seule politique de sécurité soumise à la Cour est datée postérieurement aux événements. Qui plus est, ces directives n’ont pas été suivies. Par exemple, le responsable devait faire un test de descente avant l’ouverture des pistes, test qui n’a jamais été fait.
Ensuite, le muret avait été fabriqué plus tôt dans la journée afin de faciliter l’évacuation de l’eau provenant de la fonte des neiges. Il était d’une longueur d’environ trente pieds et d’une hauteur de trois pieds. En raison de sa taille et de son emplacement, il ne pouvait être évité et constituait un piège.
Finalement, un préposé est sorti avec un ballot de foin pendant que Girard recevait les premiers soins. La Cour en déduit à un oubli des préposés et détermine que des ballots de foin auraient dû être placés sur la piste au préalable pour ralentir l’arrivée des glisseurs ou amortir leur impact.
Baie-Comeau tente d’invoquer la théorie de l’acceptation des risques. Cette dernière est entièrement rejetée par la Cour. Le bas de la piste n’était pas éclairé et une courbe empêchait Girard d’en voir l’issue à partir du haut de la piste. Girard a suivi toutes les directives données par le préposé et s’est tout de même trouvé pris au piège. Il ne pouvait pas accepter un risque qui lui était inconnu, imprévisible et inévitable.
La Cour accueille donc la demande de Girard et lui octroie la somme de 189 135,76 $ pour compenser les pertes de salaires, les frais médicaux, ainsi que tous les troubles et inconvénients causés par sa blessure.