Agressions sexuelles – Prescription de 30 ans – Quelle est la prescription applicable aux parents ayant permis la perpétration d’agressions sexuelles?
E.L. c. G.L., [2017] QCCS 1762
E.L. (« le Demandeur ») réclame 280 000,00 $ en dommages-intérêts à son père G.L. (« le Défendeur ») pour avoir omis d’empêcher les abus sexuels qui ont été commis par certains membres de sa famille durant son enfance. Le Défendeur soulève l’irrecevabilité de la demande pour cause de prescription.
POUR EN SAVOIR PLUS
Les faits
Tout au long de sa vie, le Demandeur a été victime de dépendance à la drogue. Il est aussi aux prises avec des problèmes psychiatriques, dont des séquelles reliées à un choc post-traumatique, et à de nombreuses difficultés interpersonnelles.
En 2011, le Demandeur se remémore pour la première fois les agressions sexuelles commises par son oncle et ses cousins alors qu’il était enfant. Il entreprend donc une thérapie auprès d’une psychothérapeute, cette dernière lui permettant de faire le lien entre ses problèmes psychologiques et les abus dont il a été victime.
Le Demandeur entame donc un recours en dommages-intérêts contre le Défendeur, alléguant que ce dernier a été négligent on omettant de le protéger contre sa famille. Le Défendeur invoque la prescription pour faire déclarer la demande irrecevable.
Le Demandeur est âgé de 41 ans.
Analyse et décision de la Cour
La Cour rappelle que la prescription applicable est de 30 ans pour un préjudice lié à une agression sexuelle selon l’article 2926.1 du Code Civil du Québec. De plus, l’article 2905 C.c.Q. prévoit que la prescription ne court pas contre un enfant mineur pour un recours visant la réparation d’un préjudice corporel résultant d’un acte pouvant constituer une infraction criminelle.
Ainsi, la Cour est d’avis qu’un enfant victime d’agression sexuelle pourra intenter son recours jusqu’à l’âge de 48 ans et ce, sans que la prescription puisse lui être opposée. Après l’âge de 48 ans, il faudra démontrer que la victime était dans l’impossibilité d’agir afin que le point de départ de la prescription soit postérieur à la date de la majorité. En ce sens, la Cour reconnaît qu’il est possible que les victimes d’agressions sexuelles bloquent de leur mémoire certains évènements traumatisants ou qu’elles ne fassent pas le lien entre leurs problèmes psychologiques et l’agression sexuelle.
En l’espèce, le Défendeur n’a pas commis les agressions sexuelles. On lui reproche plutôt d’avoir omis d’assurer la sécurité de son enfant. Or, la Cour explique que la prescription de 30 ans lui sera tout de même applicable. En effet, le préjudice est lié à la perpétration d’agressions sexuelles et le Défendeur a commis une faute causale en omettant de protéger son enfant. La qualification du préjudice, et non de l’infraction, est le point crucial pour déterminer la prescription applicable.
Ainsi, le recours du Demandeur n’est pas prescrit. Il était dans l’impossibilité d’agir jusqu’à sa thérapie en 2011 et c’est cette date qui sera retenue comme point de départ pour la prescription de 30 ans.