Mes informations génétiques ne relèvent pas de votre compétence! – Renvoi à la Cour d’appel du Québec – Partage des compétences – Compétence en matière de droit criminel – Le gouvernement fédéral était-il compétent pour légiférer en cette matière?
Renvoi relatif à la Loi sur la non-discrimination génétique édictée par les articles 1 à 7 de la Loi visant à interdire et à prévenir la discrimination génétique, 2018 QCCA 2193.
Conformément à la Loi sur les renvois à la Cour d’appel, le gouvernement du Québec utilise son droit au renvoi afin de soumettre une importante question au plus haut tribunal de la province : La Loi sur la non-discrimination génétique (ci-après : « la Loi ») édictée par les articles 1 à 7 de la Loi visant à interdire et à prévenir la discrimination génétique relève-t-elle de la compétence du gouvernement fédéral en matière de droit criminel ?
Les faits
Le 4 mai 2017, la Loi fédérale sur la non-discrimination génétique recevait la sanction royale au Canada. Les articles 1 à 7 de cette loi criminalisent le fait d’exiger un test génétique, de communiquer les résultats de ce test ou d’en utiliser les résultats comme condition pour fournir des biens ou des services ou comme condition nécessaire à la formation d’un contrat. En l’espèce, c’est la validité constitutionnelle de ces articles 1 à 7 qui est remise en question.
Le gouvernement du Québec se questionne donc à savoir si le gouvernement du Canada avait la compétence constitutionnelle nécessaire afin de légiférer sur le sujet et se demande s’il est véritablement question de droit criminel dans les faits.
Analyse et décision de la Cour
La Cour d’appel réitère les principes établis par la Cour suprême lorsque vient le temps de trancher une question touchant au partage des compétences entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. En premier lieu, il faut trouver quel est le véritable but de la loi, identifier sa matière ou son objet principal. Par la suite, il sera possible de rattacher cet objectif à l’un des champs de compétence définis par la Loi constitutionnelle de 1867.
L’analyse de la Loi sur la non-discrimination génétique permet de constater que la violation aux articles de la loi peut entrainer une condamnation à des amendes ou même des peines d’emprisonnement. Cependant, la Cour en vient à la conclusion que le caractère véritable de la Loi est de prohiber l’usage des tests génétiques ou l’utilisation de leurs résultats afin que les Canadiens puissent avoir la conscience tranquille lorsqu’ils ont besoin de subir des tests génétiques. Ils n’auront plus à s’inquiéter de la possibilité que les résultats de ces tests soient par la suite utilisés dans le cadre de contrats, surtout en matière d’assurance ou d’emploi. Les articles 1 à 7 de la Loi visent donc la protection et la promotion de la santé en favorisant l’accès pour les Canadiens aux tests génétiques.
Le titre de la Loi est donc un peu trompeur puisque le but de celle-ci n’est pas d’interdire la discrimination génétique. Les articles 1 à 7 de la Loi ne portent pas sur la discrimination génétique et n’empêche pas celle-ci.
La Cour d’appel détermine que le but de la Loi ne relève pas de la compétence du gouvernement fédéral en matière de droit criminel. En effet, la Cour d’appel ne parvient pas à discerner quel est le mal, au sens criminel du terme, que le Parlement canadien souhaite proscrire au moyen des articles 1 à 7. Le but est plutôt de favoriser ou de promouvoir la santé des individus, ce qui n’est pas un objectif de droit criminel. Il n’y a pas de «mal véritable pour la santé publique» permettant de faire un lien avec la compétence fédérale en droit criminel prévue au paragraphe 91(27) de la Loi constitutionnelle de 1867.
La Cour d’appel est donc d’opinion que ces questions doivent être traitées par le Parlement et les législatures provinciales.