Accident de tyrolienne – responsabilité contractuelle – obligations de l’exploitant et de l’usager
Hill c. Canopée Estrie inc., [2016] QCCS 3157.
Le tribunal est saisi d’une demande en responsabilité civile à l’encontre de Canopée Estrie inc. (« Canopée») intentée par madame Susan Hill (« Hill ») suite à un accident survenu durant sa participation à un parcours d’hébertisme aérien dont est propriétaire Canopée.
Hill et son époux vivent à Calgary et sont en vacances au Québec durant l’été 2010. Ils se rendent au site d’hébertisme aérien, Arbre Aventure, appartenant à Canopée. Au kiosque d’accueil, il leur est remis des formulaires de reconnaissance et d’acceptation de risques. Ceux-ci sont rédigés en français, mais Hill comprend cette langue. Ils signent le formulaire, malgré le fait qu’aucun employé ne leur donne d’explications et ils n’en demandent pas non plus.
Le site présente plusieurs parcours d’hébertisme qui se finissent par une descente en tyrolienne (circuit jaune ou bleu).
Avant de commencer le parcours, un moniteur fait une démonstration au groupe et leur donne des recommandations. Ensuite, le groupe se rend sur le parcours de pratique que chacun doit réussir avant d’avoir l’autorisation de s’engager sur les différents circuits.
Après la réalisation de plusieurs parcours, Hill et son époux, sentant un orage sur le point d’exploser, souhaitent quitter le site avant la fin de l’itinéraire. Après discussion avec un moniteur et pratique sur une tyrolienne, ils sont autorisés à prendre le circuit bleu.
À la fin de la descente, Hill a un accident et se fait diverses fractures. Selon elle, le câble était plus tendu que dans les autres descentes et elle n’a pas pu freiner, car elle avait peur de déchirer son gant. Elle ajoute qu’elle ne pouvait pas toucher le sol en fin de parcours et que ce sont les raisons pour lesquelles elle a frappé le poteau entouré de coussins de fin de parcours. À l’audience, elle ajoute qu’il n’y avait pas de flèche dans le câble, c’est-à-dire qu’il est très tendu.
Les prétentions de Hill sont que :
- Canopée a manqué à son devoir de vérification et d’entretien des installations,
- Canopée a été grossièrement négligente en leur permettant d’utiliser le circuit bleu qui n’était pas en bon état de fonctionnement;
- La dernière descente est d’une rapidité telle qu’elle constitue un danger pour tout participant;
- Le câble de la dernière tyrolienne était trop tendu et ne contenait pas de flèche;
- L’absence d’un autre système de freinage passif et de personnel en bas de la descente;
- Elle n’a pas accepté les risques encourus, car ils n’étaient pas raisonnables et normalement prévisibles.
Quant à Canopée, elle soutient qu’elle n’est pas responsable, qu’elle s’est comportée de manière prudente et diligente, qu’il s’agit d’une activité sportive dont Hill connaissait et a accepté les risques puisqu’elle a signé un formulaire, que les installations étaient vérifiées et entretenues et que le circuit bleu n’avait pas fait l’objet de réparation récente, qu’il est normal que les pentes n’aient pas la même intensité et que Hill ne peut blâmer qu’elle-même.
Le tribunal rappelle tout d’abord que l’analyse de la faute de l’exploitant doit suivre des critères établis par la jurisprudence. En effet, un exploitant n’a qu’une obligation de moyen et doit agir selon le critère du bon père de famille. Également, l’exploitant n’est pas l’assureur de ses clients et il n’existe pas de présomption légale de faute. Cependant, l’exploitant a tout de même un devoir de prendre les précautions nécessaires pour pallier aux risques prévisibles.
Quant à l’usager, celui-ci a aussi une obligation d’agir en bon père de famille. De plus, selon le sport pratiqué, il en accepte les risques et ce, selon ses compétences et les circonstances. Néanmoins, les risques acceptés ne sont que ceux qui sont prévisibles, raisonnables et inhérents au sport en question.
Le tribunal analyse la responsabilité de Canopée et doit donc déterminer si celle-ci a commis une faute qui aurait engendré les dommages subis par Hill.
Tout d’abord, le tribunal constate qu’il n’existe pas de normes applicables au Québec relativement à l’hébertisme aérien de loisir. Néanmoins, il est établi qu’il existe deux formes de freinage, passif et actif. Le freinage actif étant réalisé par le participant, quant au passif, il s’agit de système ne nécessitant pas d’intervention humaine, dont notamment la gravité. Or, ces deux systèmes sont utilisés sur le site de Canopée.
De plus, Hill admet avoir reçu des consignes de sécurité adéquates et qu’elle avait compris les instructions. Elle reconnaît également que les gants étaient en bon état.
Également, Hill n’a pas fait la preuve que l’absence de personnel au bas de la pente aurait changé quoi que ce soit ni qu’un certain laxisme administratif peut être à l’origine de l’accident.
Quant au freinage actif, outre le fait que le participant doive par pressions de la main sur le câble ralentir sa vitesse, ce que Hill n’a pas fait, il appert, ce qui est corroboré par l’expert, qu’il était nécessaire que le participant, en arrivant au bas de la pente, freine en courant sur le sol, ce qui est d’ailleurs également démontré par l’état du terrain. Il faut ajouter que malgré le nombre de participants depuis l’ouverture, l’accident de Hill est le seul à déplorer. L’expert conclut donc que le câble ne nécessitait pas un remplacement.
De la preuve présentée, le tribunal est d’avis que l’accident est causé par la panique de Hill qui n’a usé d’aucun moyen de freinage actif : pressions par les mains sur le câble et course en bas de la pente. Il s’agit selon le tribunal d’une erreur de jugement de la victime et de son manque de contrôle.
En conséquence, le tribunal conclut à l’absence de faute de Canopée et rejette la demande de Hill.
Enfin, quant aux frais de justice, vu la règle de la proportionnalité, le tribunal accorde à Canopée lesdits frais à l’exclusion des coûts d’expertise.