Annulation d’un testament – les témoignages des signataires de dossiers médicaux sont admissibles en preuve dans la mesure où ils sont nécessaires pour évaluer les capacités mentales du patient lors de la signature d’un testament
Pagé c. Henley (Succession de), [2016] QCCA 964
L’appelante Huguette Pagé (« Huguette ») se pourvoit en appel d’un jugement de la Cour supérieure rejetant sa demande en annulation de testament et excluant toute preuve médicale afférente à l’état de santé du testateur. L’appel est accueilli et les testaments visés sont annulés au motif que le testateur n’avait pas la capacité de tester.
Huguette et l’intimée Henley Pagé (« Henley ») sont frère et sœur. Le 25 octobre 2010, leur mère Diane Henley (« Diane »), âgée de 97 ans, signe devant un témoin un testament rédigé par Henley et dans lequel elle lègue tous ses biens à Henley. Le 9 novembre 2010, Diane signe un testament notarié dans lequel elle lègue tous ses biens à Henley et le nomme liquidateur de sa succession. En même temps, elle signe un mandat en cas d’inaptitude et nomme Henley mandataire.
Après le décès de Diane, Huguette intente un recours en nullité des testaments signés par Diane et obtient les dossiers médicaux de celle-ci. En première instance, la cour conclut que ces dossiers médicaux ont été obtenus illégalement en violation des principes de la Loi sur les services de santé et les services sociaux et empêche l’appelante d’amener en preuve le contenu de ces dossiers. La cour rejette également le rapport d’un neurologue au motif que celui-ci est fondé uniquement sur l’analyse et l’étude de ces dossiers obtenus illégalement et sur des éléments qui n’ont pas été mis en preuve considérant que les intervenants mentionnés à ces dossiers n’ont pas témoigné au procès.
Dans le cadre de son analyse, la Cour d’appel se penche notamment sur la confidentialité des dossiers médicaux de Diane ainsi que sur la notion de secret professionnel.
Au niveau de la confidentialité, la Cour d’appel rappelle que l’admissibilité en preuve des dossiers en médicaux dans un contexte judiciaire, dépend de leurs pertinence et importance par rapport à la question en litige. En l’espèce, la seule question en litige concernait l’état de santé de Diane au moment où elle a signé les testaments. Ce faisant, considérant qu’il n’y avait pas d’autres moyens pour Huguette de soutenir sa demande en annulation et que les inconvénients causés à la vie privée de Diane s’avéraient moins importants que la bonne administration de la justice, la cour a permis le dépôt en preuve des dossiers et du rapport du neurologue. Comme le souligne la cour, ces dossiers et ce rapport sont indispensables à l’exercice du recours en nullité d’Huguette.
Au niveau du secret professionnel, la cour rappelle que la confidentialité et le secret professionnel sont des notions juridiques distinctes et que la première ne contient pas toujours la deuxième. En effet, le secret professionnel se fonde sur une relation professionnelle entre un patient et/ou client et un professionnel. Considérant que les dossiers médicaux de Diane doivent être admis en preuve, la cour a jugé qu’il était cohérent que les témoignages de leurs auteurs et signataires soient aussi admis en preuve. De plus, la cour mentionne que la jurisprudence québécoise interprète restrictivement la notion de secret professionnel pour des professions autres que celles d’avocats ou de notaires. Ainsi, la cour a admis le dépôt en preuve de ces témoignages au motif qu’ils étaient nécessaires afin d’évaluer l’état de santé de Diane lorsqu’elle a signé les testaments.