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CÔTÉ COUR

Ce n’est pas de ma faute, c’est de la sienne !

Voilà le genre de remarque que l’on entend souvent lorsqu’un bien est abîmé alors qu’une personne en avait la garde. Chacun des intervenants cherche alors à jeter le blâme sur l’autre en se justifiant d’avoir agi comme il se devait. La gestion d’un inventaire d’œuvres d’art mérite à notre avis que l’on s’attarde davantage à la question de la responsabilité du gardien de la chose.

Lorsqu’un artiste vous remet ses dernières créations et que vous acceptez de les recevoir, un contrat de dépôt vous liera dès lors à l’artiste, et ce, que vous ayez signé un contrat ou non. Ainsi, les dispositions du Code civil du Québec trouveront application et vous serez considéré dépositaire des œuvres de l’artiste que vous représentez, alors qu’il sera désigné comme étant le déposant. Il est dès lors important que vous sachiez que le Code civil vous impose d’agir, « dans la garde du bien, avec prudence et diligence. » 1

Le Code civil stipule de plus que « [l]e dépositaire est tenu, si le dépôt est à titre gratuit, de la perte du bien déposé qui survient par sa faute; si le dépôt est à titre onéreux ou s’il a été exigé par le dépositaire, celui-ci est tenu de la perte du bien, à moins qu’il ne prouve la force majeure. » 2

Dans le cas d’une galerie d’art, le dépôt se fait règle générale à titre gratuit – la galerie ne demande pas d’être rémunérée spécifiquement pour le dépôt –, de sorte que toute perte, ne serait-ce que partielle, sera la responsabilité de la galerie d’art si celle-ci a commis une faute.

L’importance de détenir une couverture d’assurance suffisante afin d’être protégé dans de tels cas est donc manifeste. Un problème additionnel peut se poser lorsqu’une œuvre est exposée temporairement à l’extérieur de la galerie d’art. D’une part, certains contrats énoncent l’obligation pour le galeriste de demander la permission de l’artiste avant d’exposer une œuvre à l’extérieur de son espace. D’autre part, votre assureur pourrait de son côté exiger d’être avisé dès qu’une œuvre se trouve entre les murs d’un tiers sans avoir été vendue. Il est donc capital de bien comprendre les termes de votre couverture d’assurance sur cette question puisqu’un assureur pourrait refuser de couvrir une réclamation si le texte de la police d’assurance n’a pas été respecté. Des problèmes additionnels pourraient aussi survenir si le tiers en question n’était pas suffisamment assuré compte tenu de la valeur de l’œuvre lui ayant été remise.

Le temps peut aussi venir compliquer les choses. En effet, il arrive parfois qu’une personne disparaisse sans laisser d’adresse. Pour le galeriste laissé sans interlocuteur, il devient impossible de rendre compte annuellement, comme la loi l’exige. La galerie d’art pourrait alors décider d’entreposer les pièces détenues jusqu’à ce que le propriétaire vienne les réclamer. Aussi longtemps que cela durera, la galerie d’art aura l’obligation de conserver les biens avec prudence et diligence.

On peut toutefois se demander si le temps ne pourrait pas éventuellement bénéficier au dépositaire. À cet égard, il est impossible d’énoncer une règle claire puisqu’il sera nécessaire d’analyser la situation particulière entre les parties, leur contrat, leurs échanges, avant de déterminer si le dépositaire peut se prétendre propriétaire par le seul écoulement du temps. Il faut cependant savoir que le Code civil du Québec établit que le possesseur de mauvaise foi – c’est-à-dire celui qui connaît le vice de son titre et qui sait donc qu’il n’est pas propriétaire – acquiert la propriété d’un bien après qu’un délai de dix ans se soit écoulé. La difficulté sera, selon les circonstances de chaque cas, de déterminer le point de départ de ce délai.

Un autre écueil pourrait survenir s’il faut déterminer la valeur de l’œuvre endommagée. C’est ce qui est survenu dans la cause opposant Armand Vaillancourt à Carbonne 143. Ainsi, dans l’éventualité où le prix de l’œuvre d’art n’est pas facilement déterminable, il faudra recourir aux services d’experts qui devront évaluer l’œuvre et déterminer le montant de la perte. Le tribunal devra peut-être aussi s’en mêler si, comme dans le cas d’Armand Vaillancourt, un expert prétend que l’œuvre a une valeur de 725 000 $ alors que les autres estiment qu’elle en vaut entre 30 000 $ et 60 000 $4.

Voilà donc un autre argument militant en faveur de la signature d’un contrat prévoyant non seulement les conditions dans lesquelles la galerie d’art pourra gérer les œuvres qui lui seront remises, mais précisant aussi la valeur de chacune d’entre elles.

En terminant, nous vous invitons à communiquer avec Me Christian Azzam pour lui soumettre tout sujet d’intérêt que vous aimeriez voir traité dans un prochain numéro. N’hésitez donc pas à le joindre au 514.499.7456 ou par courriel, àcazzam@donatimaisonneuve.ca.

20 Mar, 15

 

 

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