Chute dans une résidence pour personnes âgées – responsabilité civile de la résidence – rôle de l’expert
Désilets c. Résidence Johanne et Gilles, s.e.n.c., [2016] QCCQ 6849.
Le tribunal doit se prononcer sur l’admissibilité d’un rapport d’expertise produit par les demandeurs. Il est allégué que l’experte ne se prononce pas sur des normes scientifiques ou techniques ou n’apporte pas un éclairage spécialisé.
Les héritiers et enfants de Marie-Jeanne Grondin (les « demandeurs ») ont intenté une action contre Résidence Johanne et Gilles s.e.n.c. (la « défenderesse ») en vertu de laquelle ils allèguent que cette dernière a manqué à son obligation de surveillance et de sécurité à l’égard de leur mère résidente. En effet, ils prétendent que le défaut de la défenderesse est à l’origine de la chute de leur mère ayant provoqué peu de temps après son décès.
Cette affaire en étant une de responsabilité civile, les demandeurs doivent établir la faute de la défenderesse, les dommages subis ainsi que le lien de causalité.
À cet effet, ces derniers produisent le rapport d’une ergothérapeute pour faire la preuve de la non-conformité aux normes ergonomiques généralement établies de la pente où a chuté leur mère. Également, pour démontrer que la défenderesse n’a pas pris les mesures adaptées à la condition de leur mère eu égard au risque de chute et d’errance. Enfin, que sa sécurité n’était pas assumée conformément au devoir de prudence et diligence.
La défenderesse s’oppose à la production de ce rapport, car elle estime celui-ci non admissible compte tenu du fait que l’ergothérapeute émet une opinion sur la responsabilité civile alors qu’il s’agit du rôle du tribunal.
Afin de déterminer l’admissibilité du rapport, le tribunal doit faire preuve de prudence dans son analyse. Il faut donc qu’il soit clairement établi que le rapport ne rencontre pas les critères établis par la jurisprudence pour le rejeter et ce, afin de respecter les règles de proportionnalité et de saine administration de la justice.
Selon la jurisprudence, un rapport d’expert doit servir à éclairer le tribunal sur l’appréciation de la preuve portant sur des questions nécessitant une personne qualifiée dans un domaine particulier. Néanmoins, le rôle de l’expert n’est pas d’arbitrer les faits en litige ni d’interpréter le droit.
En se basant sur ces principes, le tribunal analyse le rapport soumis et souligne différents points. En effet, l’ergothérapeute n’a jamais rencontré madame Grondin et ne s’est jamais rendue à la résidence. De plus, le rapport ne fait nullement référence à des questions nécessitant une personne spécialisée, et ne contient aucune analyse de normes de nature technique ou scientifique qui serait d’une complexité dépassant la compétence du juge du fond.
Finalement, l’ergothérapeute se prononce sur la responsabilité de la défenderesse alors qu’il s’agit du rôle exclusif du juge du fond.
En conséquence, le tribunal accueille la requête en rejet de l’expertise et ordonne qu’il soit retiré du dossier de la Cour.