Émeute dans les rues de Montréal – les émeutiers sont-ils responsables conjointement ou solidairement des dommages causés?
Montréal (Ville de) c. Lonardi, [2016] QCCA 1022
La Ville de Montréal (« Montréal ») se pourvoit contre plusieurs jugements rendus par la Cour du Québec, condamnant conjointement les intimés à lui payer une compensation pour des dommages causés aux auto-patrouilles du SPVM lors d’une émeute suite à la victoire des Canadiens de Montréal en 2008 ainsi que des dommages exemplaires. L’appel est rejeté.
La question principale de ce pourvoi était de déterminer si celui qui endommage des biens lors d’une émeute doit être tenu solidairement responsable des dommages causés par les autres émeutiers sur les mêmes biens, en plus des dommages causés par sa propre faute, ou s’il doit être simplement tenu aux dommages qu’il a lui-même causés lorsqu’ils sont identifiables et quantifiables.
Dans son jugement, la Cour du Québec condamne conjointement les intimés au motif que la preuve permet d’établir clairement la faute et le préjudice spécifique causé par chacun d’eux. Cependant, elle condamne solidairement deux intimés ayant détruit ensemble une auto-patrouille au motif que la preuve au dossier ne permet pas d’établir la faute et le préjudice spécifique causé par chacun d’eux.
Dans son analyse, la Cour d’appel confirme que la solidarité ne se présume pas et que le régime de responsabilité civile québécoise a un caractère compensatoire qui vise à indemniser la victime du préjudice qu’elle subit.
La personne fautive est donc uniquement tenue de réparer le préjudice qu’elle a elle-même causé à la victime sous réserve du paiement de dommages punitifs. Les articles 1526 et 1480 du Code civil du Québec (« C.c.Q. ») constituent des exceptions à cette règle. L’article 1526 C.c.Q. s’applique lorsque des fautes contributoires ont causé un seul et même préjudice ou lorsque ce préjudice a été causé par une faute commune et lorsqu’il est impossible d’établir la fraction du préjudice causé par chacune des parties. L’article 1480 C.c.Q. s’applique lorsque plusieurs personnes ont participé à un fait collectif fautif ou lorsque plusieurs fautes distinctes susceptibles d’avoir causé le dommage sont commises par plus d’une personne, sans qu’il soit possible dans l’un ou l’autre cas, de déterminer laquelle l’a effectivement causé. L’article 1480 C.c.Q. ne permet pas de tenir solidairement responsables ceux qui participent à un fait collectif fautif alors qu’il est possible d’établir le dommage spécifique causé par chacun d’eux.
En l’espèce, sous réserve des deux intimés condamnés solidairement, la preuve permet clairement d’établir les fautes respectives de chacun des intimés ainsi que le préjudice en découlant de même que leur valeur. Il n’est donc pas justifié d’appliquer l’article 1480 C.c.Q. Pour ce qui est de l’article 1526 C.c.Q., celui-ci ne doit pas être appliqué car il n’est pas ici question d’un préjudice unique mais plutôt de plusieurs préjudices causés par les fautes distinctes de chacun des intimés.