Entrepreneur en construction poursuivi pour malfaçons – Demande de type Wellington – L’obligation de l’assureur de prendre fait et cause et d’assumer la défense – Interprétation de « dommage matériel » – L’assureur ne perd pas son droit de mandater l’avocat de son choix
Ferme des Trois Montagnes (2015) c. Constructions GSL inc., 2017 QCCQ 10721
Dans le cadre d’un litige opposant Ferme des Trois Montagnes (ci-après : « la Ferme ») à Constructions GSL (ci-après : « GSL »), l’assureur de ce dernier, Promutuel, nie couverture et refuse de prendre fait et cause. GSL dépose une demande de type Wellington et réclame le remboursement des honoraires d’avocats liés à sa présentation.
Les faits
En 2008, la Ferme donne à Christian Drolet Consultant inc. (ci-après : « CDC ») le mandat de préparer des plans et devis pour la construction d’une plate-forme purot pour fumier de bovins laitiers. La construction de la plate-forme est exécutée par GSL. Peu après la fin des travaux surviennent des infiltrations d’eau. GSL entreprend alors des travaux de réparations. À la suite d’apparitions de fissures dans la plate-forme, GSL entreprend d’autres rénovations sans succès, d’où le recours à l’origine de la présente demande. Promutuel, l’assureur de GSL, nie couverture alléguant que celle-ci est poursuivie pour vices de construction, lesquels font l’objet d’une exclusion prévue par la police d’assurance. Elle prétend que seuls les dommages causés par les travaux de GSL sont couverts par la police, ce qui n’inclut pas ceux qui ne sont pas effectués dans les règles de l’art. Devant le refus de Promutuel de prendre fait et cause pour GSL, cette dernière mandate le cabinet d’avocat de son choix et réclame le remboursement des honoraires reliés à la présentation de la demande Wellington, laquelle est remise deux fois par son assureur.
Analyse et décision de la Cour
L’article 2503 du Code civil du Québec prévoit l’obligation de l’assureur de prendre fait et cause et d’assumer la défense des assurés à qui bénéficie la police d’assurance. Dans l’arrêt Wellington compagnie d’assurance c. M.E.C. Technologie inc. ([1999] R.J.Q. 443), dont la présente demande tient son nom, la Cour d’appel souligne que l’obligation de défendre nait de la simple possibilité que la police d’assurance couvre les actes ou omissions reprochés. La Cour suprême du Canada dans Progressive Homes Ltd. c. Cie canadienne d’assurances générales Lombard (2010 CSC 33), précise, onze ans plus tard, que l’assuré a le devoir de prouver que les dommages pour lesquels il est poursuivi relèvent de la police d’assurance. Lorsque cette preuve est faite, l’assureur a le fardeau de prouver que les exclusions de la police s’appliquent clairement et sans équivoque.
L’analyse d’une demande de type Wellington doit servir à déterminer s’il existe une simple possibilité qu’une demande en dommages contre l’assuré relève de la police. Il est donc primordial de déterminer la véritable nature du recours. En l’espèce, il s’agit d’un recours en responsabilité civile ayant comme objet la détermination de la cause de la fissuration de la plate-forme. La Cour souligne qu’il existe une possibilité que la réclamation relève de la police. En effet, il faut donner à l’expression « dommage matériel » une interprétation qui inclut les dommages matériels causés à tout bien matériel. La demande déposée à l’encontre de GSL contient des allégations décrivant l’infiltration d’eau ainsi que l’apparition de fissures, lesquelles relèvent de tels dommages. Selon la police, « toute détérioration ou destruction d’un bien corporel » résultant d’un accident est couverte. Le terme « accident » n’y étant pas défini, il y a lieu de lui donner son sens ordinaire sans qu’il ne soit nécessaire qu’il s’agisse d’un évènement soudain. En l’espèce, la malfaçon et la négligence de GSL alléguées suffisent à cette qualification. La Cour conclut que GSL a prouvé que les dommages réclamés par la Ferme sont des « dommages matériels » qui résultent d’un « accident ».
Au niveau de l’argument de Promutuel selon lequel l’exclusion de la police s’applique, le tribunal conclut que son fardeau de preuve n’est pas acquitté. En effet, tel que le prévoit la police, cette exclusion ne s’applique pas « … si les travaux endommagés ou les travaux ayant donné lieu au dommage ont été exécutés pour l’assuré désigné par un sous-traitant ». Dans les faits, l’excavation précédant la construction de la plate-forme ayant été exécutée par un sous-traitant, il y a couverture.
Pour ce qui est du choix de l’avocat aux fins de la défense de GSL, le tribunal souligne que le fait d’avoir refusé de prendre fait et cause pour ce dernier ne fait pas perdre à Promutuel son droit de désigner un avocat de son choix. On rappelle toutefois que l’assureur n’aurait pas pu désigner les mêmes avocats que ceux qui l’auraient représenté dans le cadre de la demande de type Wellington. Bien que l’assuré soit représenté par un avocat désigné par un assureur ayant au préalable refusé de prendre fait et cause pour lui, les obligations déontologiques dudit avocat demeurent les mêmes.
Enfin, la demande de GSL en remboursement d’honoraires d’avocats liés à la présente est rejetée. Le tribunal souligne que les demandes de remise présentées par Promutuel ne constituent pas un manquement important au déroulement de l’instance et ne saurait donc justifier une telle sanction.