Interprétation de l’expression « police d’assurance » – Les prestations du Régime de pensions du Canada se qualifient-elles de prestations d’invalidité provenant d’une « police d’assurance »?
Sabean c. Portage La Prairie Mutual insurance Co., [2017] CSC 7
- Andrew Sabean (« Sabean») se pourvoit à l’encontre d’une décision de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse par laquelle celle-ci conclut que le Régime de pension du Canada (« R.P.C.») constitue une « police d’assurance » aux termes d’un avenant offrant une protection complémentaire en cas d’accident automobile.
Faits pertinents
Sabean s’est vu accorder la somme de 465 400 $ suite à des blessures subies dans un accident automobile. Or, seule la somme de 382 000 $ a pu être recouvrée de l’assureur du conducteur fautif. Sabean a donc réclamé le solde de 83 400 $ de son propre assureur, Portage La Prairie Mutual Insurance Company (« Portage »), aux termes d’un avenant qui offrait une protection complémentaire. Celui-ci permettait l’indemnisation de toute somme manquante pour satisfaire un jugement obtenu contre un fautif sous-assuré. Or, l’avenant prévoyait la déduction de toute prestation future provenant d’une « police d’assurance stipulant une indemnité d’invalidité ». La question en litige est donc de savoir si le R.P.C. constitue une « police d’assurance » aux termes du contrat.
Analyse et décision de la Cour
La Cour débute en rappelant que les clauses contenues dans un contrat type d’assurance doivent seulement être interprétées si elles sont ambiguës et ce, à la lumière du contrat dans son ensemble. Par la suite, toute ambiguïté pourra être analysée selon les règles générales d’interprétation des contrats.
Pour déterminer s’il existe une ambiguïté, les mots doivent être interprétés selon leur sens ordinaire. Il n’y a pas lieu de les examiner « de la manière dont ils pourraient être perçus par des personnes versées dans les subtilités du droit des assurances ».
La clause en litige se lit comme suit :
« [TRADUCTION] Le montant payable en application du présent avenant à tout demandeur admissible est complémentaire au montant effectivement recouvré par ce dernier de toute source (sauf les sommes payables au décès en vertu d’une police d’assurance) et à tout montant que le demandeur admissible a le droit de recouvrer (qu’il fasse valoir ce droit ou non) :
[…]
(vii) de toute police d’assurance stipulant une indemnité d’invalidité ou de réadaptation, ou une indemnité pour manque à gagner ou frais médicaux ;
[…] »
La Cour explique qu’une garantie « complémentaire » est définie par le contrat en soi et qu’elle n’a pas pour objet de prévenir l’indemnisation excessive si ceci n’est pas prévu expressément.
Pour la définition d’une « police d’assurance », la Cour adopte le sens figurant au dictionnaire. Celui-ci est à l’effet qu’il s’agit d’un contrat privé acheté à titre de police d’assurance. La Cour ajoute que le mot « police » indique clairement qu’il s’agit d’un contrat d’assurance privé.
Ainsi, une personne ordinaire ne penserait pas qu’un régime obligatoire établi par une loi fédérale constitue une « police d’assurance ». D’ailleurs, certaines autres déductions au contrat visent explicitement des indemnités ou prestations prévues par une loi, par exemple « tout régime d’indemnisation des accidents de travail ».
De plus, un assureur ne peut se baser sur une connaissance spécialisée de la jurisprudence pour soutenir une interprétation plus large que celle dégagée de termes clairs. La Cour ajoute que la présence d’une interprétation alternative ne crée pas automatiquement une ambiguïté.
Par conséquent, la Cour conclut que les prestations du R.P.C. ne sont pas des prestations d’invalidité au titre d’une « police d’assurance » dans le contrat type examiné. Le pourvoi est donc accueilli.