L’assureur qui, dans sa défense, ne reprend pas textuellement la clause d’exclusion du contrat d’assurance a-t-il de ce fait restreint ou limité ses prétentions quant à l’exclusion qu’il invoque?
Une décision récente de la Cour supérieure1 sur ce sujet, qui a fait l’objet d’un appel par la suite, prend naissance dans le contexte factuel suivant. La compagnie d’assuranceAce-Ina Insurance company intente un recours subrogatoire contre les défendeurs Monsieur Demers (« Demers ») et les parents de Monsieur X (« X »), enfant mineur, à la suite de l’incendie d’un garage abritant les équipements mobiles d’un terrain de golf et suite auquel la demanderesse a indemnisé son assuré. Plus particulièrement, étant donné la minorité de Monsieur X, les parents sont poursuivis personnellement et en leur qualité de tuteur à leur enfant mineur. Mentionnons tout de suite que dans cette affaire, la responsabilité personnelle des parents n’a pas été retenue; ils ont plutôt été condamnés uniquement en leur qualité de tuteurs.
L’incendie aurait été provoqué par Demers et par X, qui ont mis le feu à des sections de clôture à neige entreposées à côté du garage de l’assuré de la demanderesse, le feu s’étant par la suite propagé audit garage. Essentiellement, le débat porte sur la clause d’exclusion invoquée par les assureurs de Demers et de X, soit Wawanesa Insurance company (« Wawanesa ») et SSQ assurances générales (« SSQ »). Ces dernières prétendaient qu’elles n’avaient pas à couvrir leurs assurés à cause de la façon dont l’incendie avait été allumé. Plus particulièrement, SSQ invoquait la clause d’exclusion contenue au contrat d’assurance relativement aux dommages imputables aux actes criminels ou à la faute intentionnelle de l’assuré.
Or, X prétendait que dans sa défense, SSQ ne référait qu’à la commission d’un acte volontaire et non pas à un acte criminel. SSQ a répondu que puisque la clause d’exclusion prévue au contrat d’assurance réfère aux deux motifs, soit l’acte criminel et la faute intentionnelle, l’allégué de sa défense renvoyait nécessairement à la clause d’exclusion dans son ensemble et donc aux deux expressions. Afin de bien comprendre l’analyse qu’a faite l’Honorable Marc St Pierre de cette question, voici l’allégué de la défense de SSQ, lequel fait référence à « un geste volontaire des défendeurs Monsieur X et Mathieu Demers qui ne pouvaient en aucune façon ignorer les conséquences de leurs gestes, lesquels ne peuvent être couverts tant par la Loi que par le libellé du contrat d’assurance ». Le Tribunal conclut que puisque cet allégué de la défense ne faisait référence à aucune des deux expressions, soit « acte criminel » et « faute intentionnelle », il n’était pas plus question de faute intentionnelle que d’acte criminel. Ce raisonnement a entraîné la conclusion suivant laquelle SSQ, dans sa défense, n’avait pas de ce fait restreint ou limité ses prétentions relativement à la clause d’exclusion.
Quant à Wawanesa, précisons que celle-ci ayant expressément fait référence dans sa défense autant à la faute intentionnelle qu’à l’acte criminel, la question ne se posait pas.
Dans cette affaire, la preuve n’a pas été concluante quant à l’absence du caractère volontaire de la destruction du garage. En effet, Demers et X prétendaient qu’ils ne voulaient pas mettre le feu au garage, mais seulement aux clôtures. Le Tribunal a retenu qu’il y avait une certaine distance entre les clôtures à neige et le mur du garage et il en est venu à la conclusion que l’incendie du garage n’était pas imputable à une faute intentionnelle de leur part.
Cependant, le Tribunal a pris en considération les plaidoyers de culpabilité de Demers en Cour criminelle et de X au Tribunal de la jeunesse, relativement à l’accusation d’avoir commis le crime d’incendie prévu à l’article 434 du Code criminel. Il a aussi conclu que puisque Demers et X avaient quitté les lieux sans prévenir quiconque alors que le feu prenait de l’ampleur, ils avaient fait preuve d’insouciance. Le Tribunal a considéré les deux plaidoyers de culpabilité comme un aveu extrajudiciaire valable eu égard à la commission de l’acte criminel ayant causé les dommages au garage.
En conclusion, le juge a rejeté l’action des demanderesses au motif que l’exclusion relative aux actes criminels stipulée dans les deux contrats d’assurance trouvait application. Il en a été de même pour l’action en garantie intentée par Demers contre Wawanesa.
L’arrêt de la Cour d’appel2
Mis à part le fait que la Cour d’appel a précisé que la mens rea d’insouciance devait être considérée au moment où le feu est allumé, et non pas au moment où le feu se propage, l’arrêt traite de la question de l’obligation pour SSQ d’invoquer la clause d’exclusion ainsi rédigée :
« Outre les exclusions indiquées sous le titre GARANTIES, nous ne couvrons pas :
[…]
16. Les sinistres imputables aux actes criminels ou fautes intentionnelles d’un Assuré. »
Les appelantes plaident que SSQ n’avait pas invoqué cette exclusion dans sa défense. La Cour d’appel a décidé que la conclusion du juge de première instance ne comportait aucune erreur en droit, ni aucune erreur manifeste de fait. L’appel a ainsi été rejeté. Enfin, rappelons les conclusions du juge de première instance sur cette question :
« 23 L’avocat qui a rédigé la procédure à l’époque semble avoir bien compris la teneur de l’article 76 C.p.c. qui prévoit que les actes de procédure doivent énoncer les faits (pas les prétentions) de façon succincte.
24 J’en conclus que la SSQ dans sa défense n’a pas restreint ou limité ses prétentions quant à l’exclusion uniquement à la partie «fautes intentionnelles»; je crois qu’un geste volontaire ayant causé l’incendie dont les conséquences ne peuvent être couvertes tant par la Loi que par le contrat d’assurance peut viser tout aussi bien un acte criminel qu’une faute intentionnelle. »