L’obligation de défendre et d’indemniser de l’assureur : la Cour d’appel se prononce
Le 8 juillet dernier, la Cour d’appel rendait jugement dans l’affaire Hoyos c. Chubb Insurance Company of Canada, jugement par lequel elle précise la distinction entre l’obligation de défendre et l’obligation d’indemniser. Voyons donc où en est l’état du droit sur cette question…
L’appelant, monsieur Hector Hoyos, est citoyen américain et possède une résidence secondaire au Québec pour laquelle il a contracté auprès de Chubb une assurance responsabilité. Une amie de l’appelant, également citoyenne américaine, se blesse sérieusement au bras alors qu’elle se trouve à cette résidence en compagnie de l’appelant. De retour aux États-Unis, madame intente contre l’appelant, dans l’état de New-York, une action en dommages dans laquelle elle allègue s’être infligée cette blessure alors qu’elle tentait d’échapper à une agression sexuelle commise par Hoyos. L’appelant présente cette réclamation à son assureur qui refuse d’assumer sa défense en invoquant que la police d’assurance exclut toute couverture dans le cas d’une faute intentionnelle de l’assuré et également, dans le cas d’une inconduite sexuelle.
L’appelant assume donc ses frais de défense et la poursuite intentée par madame se solde par un règlement hors cours en vertu duquel il s’engage à verser la somme de 380 000,00$ US pour la blessure au bras, sans admission que cette blessure découle de l’agression. L’appelant intente ensuite une poursuite au Québec contre son assureur, lui réclamant le remboursement des frais de défense et du montant payé dans le cadre du règlement intervenu avec la victime.
L’assureur présente une requête en irrecevabilité à l’encontre de l’action de l’appelant dans laquelle il soutient qu’il n’était pas tenu de prendre la défense de Hoyos, la Cour suprême ayant établi dans de nombreux arrêts que l’obligation de défendre s’apprécie en fonction des allégations qui se trouvent dans les procédures intentées par le tiers lésé. Aux termes de ces allégués devant être tenus pour avérés, s’il n’existe aucune possibilité que l’assureur puisse être tenu d’indemniser, ce dernier n’a pas d’obligation de défendre. La Cour supérieure accueille l’irrecevabilité et rejette l’action de l’appelant.
Ce dernier se pourvoit alors devant la Cour d’appel qui renverse le jugement rendu par la Cour supérieure sur la requête en irrecevabilité. La Cour d’appel reprend alors l’analyse des décisions clés de la Cour suprême en rappelant la distinction entre l’obligation de défendre et celle d’indemniser. Elle précise que la situation dans cette affaire est inversée. En effet, même si initialement, l’assureur n’avait pas l’obligation de défendre l’appelant en raison des allégués contenus dans l’action intentée par la victime dans l’état de New-York, il se peut qu’il ait maintenant l’obligation d’indemniser si l’appelant est en mesure de démontrer que la blessure est le résultat d’un accident et non d’un acte intentionnel. Selon la Cour d’appel, faire dépendre l’obligation d’indemniser des seuls allégués du tiers lésé pourrait entraîner une injustice pour l’assuré qui serait privé d’une couverture d’assurance à laquelle il a droit dans l’éventualité où, finalement, les allégués s’avéreraient sans fondement.
Le dossier ayant maintenant été retourné pour audition sur le fond devant la Cour supérieure, l’appelant aura donc l’opportunité de prouver que la blessure résulte bien d’un accident couvert par la police. Sera-t-il en mesure de faire cette preuve ? C’est à suivre…