Non-respect d’une garantie de performance – Absence d’obligation de l’assureur de prendre fait et cause – Assurance responsabilité professionnelle – Clauses d’exclusion applicables – Absence de sinistre
9071-3975 Québec inc. c. Leprohon inc., 2018 QCCS 3434
LeProhon inc. (ci-après : « l’assurée »), poursuivi pour la somme de 7 873 728 $, présente une demande pour enjoindre Federated (ci-après « l’assureur »), à prendre fait et cause pour elle dans le cadre d’une action intentée contre elle par 9071-3975 Québec inc. (ci-après « Lucyporc »).
Les faits
Lucyporc et l’assurée signent un contrat par lequel cette dernière doit installer un système de déshumidification et de ventilation permettant d’augmenter la production avec un plus grand nombre de carcasses tout en faisant disparaître la condensation dans les locaux de Lucyporc. Or, cette garantie de performance n’est pas atteinte. Outre l’inefficacité du système, on reproche à l’assurée un retard dans l’exécution des travaux et un dépassement des coûts. Face à cette requête, l’assurée demande à son assureur de prendre fait et cause pour elle. L’assureur nie couverture au motif que les polices d’assurance émises au bénéfice de ce dernier ne couvrent pas le non-respect par l’assurée de rencontrer la garantie de performance.
Analyse et décision de la Cour
L’analyse d’une demande de type Wellington revient à déterminer si l’assuré peut exiger que son assureur assume sa défense à l’égard des procédures intentées contre lui. L’article 2503 du Code civil du Québec prévoit l’obligation de l’assureur de prendre fait et cause pour l’assuré et de le défendre lorsque ce dernier bénéficie de la police d’assurance. La Cour suprême du Canada dans American Home Assurance Co. et la Société du barreau du Haut-Canada c. Alan John Nichols, ([1990] 1 R.C.S. 801) rappelle que l’obligation de défendre est beaucoup plus large que l’obligation d’indemniser et qu’il faut accorder la portée la plus large possible aux allégations contenues dans les actes de procédures pour déterminer si elles constituent une réclamation qui relèvent de la police. À cet effet, L’assureur doit défendre l’assuré dès que des procédures laissent voir une possibilité de condamnation de l’assuré et que la justification de celles-ci puisse faire l’objet de la couverture d’assurance. Une simple ambigüité ou un doute suffisent pour enclencher l’obligation de l’assureur. Dans l’arrêt, Technologies CII inc. c. Société d’assurances générales Northbridge, (2016 QCCA 41), la Cour d’appel rappelle qu’au stade préliminaire des procédures, la preuve doit demeurer sommaire. Aussi, la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Progressive Progressive Homes ltd c. Compagnie canadienne d’assurances générales Lombard, ([2010] 2 R.C.S. 245), précise quant à l’analyse à effectuer au regard des procédures que « les parties au contrat ne sont pas liées par la terminologie employée par le demandeur. L’utilisation ou l’absence d’un terme particulier ne sera pas déterminante quant à l’existence ou non d’une obligation de défendre. Ce qui compte, c’est la nature véritable ou le contenu de la demande. »
En l’espèce, le litige s’inscrit dans le cadre d’un recours en dommages-intérêts dans lequel il est reproché à l’assuré le non-respect des délais d’exécution des travaux initialement prévus, le coût de dépassement des travaux et l’inefficacité du système en lien avec le non-respect des engagements de performance au terme des travaux. Dans un premier temps, la cour estime au regard de la police relative à l’assurance responsabilité professionnelle que les manquements invoqués, soit le retard dans l’exécution des travaux et le dépassement des coûts font partie des exclusions prévues au contrat d’assurance. En effet, elle souligne que même en interprétant de façon large et libérale la réclamation de Lucyporc, on ne peut faire abstraction des clauses d’exclusion prévues au contrat d’assurance bien qu’elles doivent être interprétées de façon restrictive, sans les dénuer de leur sens commun.
Quant à la police en responsabilité civile, relativement aux allégations de privation de jouissance des installations par manque d’efficacité du système installé par Leprohon, la Cour confirme que « la privation de jouissance d’un bien corporel » non endommagé résultant d’un sinistre est couverte. La Cour estime que bien que la procédure révèle une simple possibilité de dommages matériels, cela serait suffisant pour donner ouverture à l’obligation de l’assureur de défendre son assurée sans qu’il soit nécessaire de faire la preuve d’une privation de jouissance complète des équipements. Cependant, cette couverture ne trouve application qu’en présence d’un sinistre La Cour se basant sur le sens ordinaire donné au terme accident, conclut que dans la mesure où Lucyporc n’invoque que l’absence de respect d’une garantie de performance et non la survenance d’un accident, rien ne permet de conclure à la présence d’un sinistre au sens du contrat d’assurance liant les parties à ce stade des procédures. De ce fait, la Cour estime que même en procédant à une interprétation large et libérale de la définition de sinistre, l’absence de garantie de performance ne constitue pas un accident pouvant donner lieu à l’application de l’obligation de l’assureur de prendre fait et cause pour son assurée à ce stade du dossier. En conclusion, aucune des polices d’assurance souscrites par l’assurée ne trouve application.
La demande est rejetée.