Nouveaux enseignements de la Cour d’appel en matière de couverture d’assurance de responsabilité générale des entreprises relativement à des travaux défectueux.
Les praticiens en droit des assurances ont certainement eu l’occasion de prendre connaissance de l’arrêt rendu le 29 septembre 2010 par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Progressive Homes Limited c. Compagnie canadienne d’assurances générales Lombard1, lequel a fait couler beaucoup d’encre en mettant de l’avant divers principes relatifs à l’application d’une police d’assurance de responsabilité civile générale des entreprises.
Force est de constater que cet arrêt a subséquemment incité les plaideurs à poursuivre leurs efforts afin de faire toutes les distinctions et tous les rapprochements possibles au bénéfice de leurs clients respectifs.
Rappelons d’abord que dans cette affaire, le juge Rothstein, au nom de la Cour, a énoncé que le « dommage matériel » ne pouvait être limité aux biens d’autrui et a avancé l’idée qu’un vice de construction ainsi qu’un bien défectueux ne peuvent être automatiquement exclus de la définition de « dommage matériel » et ce, tout particulièrement lorsque les dommages subis sont visibles ou apparents.
Or, l’arrêt Intact, Compagnie d’assurances c. Constructions GSS Gauthier 2000 inc.2 , rendu le 16 mai 2014 par la Cour d’appel du Québec, est un excellent exemple de cette tentative d’écarter une application large des principes dégagés dans Progressive Homes. Cependant, loin de restreindre le raisonnement soutenu par le juge Rothstein, la Cour d’appel pousse celui-ci plus loin.
Résumons les faits. Dans cette affaire, l’assureur et son assurée avaient été condamnés par la Cour supérieure, suivant des dommages subis par les propriétaires d’un chalet qui avaient engagé les services d’un entrepreneur afin d’effectuer des travaux de toiture. Or, non seulement les travaux effectués par l’entrepreneur étaient défectueux mais ils avaient causé des infiltrations d’eau à leur immeuble.
En première instance, l’assureur a invoqué, dans un premier temps, que son obligation devait être limitée à l’obligation de défendre. L’assureur a ensuite fait valoir que la réclamation du client, laquelle était fondée notamment sur la garantie de qualité des travaux effectués par l’entrepreneur, ne résultait pas d’un sinistre au sens de la police d’assurance et que les dommages qui en découlaient ne relevaient pas de la garantie d’assurance. En d’autres termes, l’assureur prétendait que ces dommages constituaient une perte économique et non un dommage matériel au sens de la police d’assurance. Il faut rappeler que dans cette affaire, la définition de « sinistre », telle que comprise dans la police d’assurance, était libellée comme désignant « (…) un accident, y compris l’exposition contenue ou répétée à des conditions nocives essentiellement de même nature. »
Sur ces questions, la Cour d’appel constate que ni dans son inscription en appel, ni dans son mémoire, l’assureur n’avait allégué ou même tenté de démontrer que l’interprétation de la juge de première instance, quant à la notion « d’accident », n’était pas appuyée sur une preuve valablement administrée. La Cour d’appel n’a donc eu d’autre choix que de constater que cette détermination de fait avait trouvé un solide appui dans la preuve qui avait été présentée devant le tribunal de première instance.
En ce qui a trait à l’argument voulant que l’assureur n’était tenu qu’à défendre son assurée, la Cour d’appel n’a pas retenu cet argument et elle a réitéré que les enseignements de l’arrêt Progressive Homes étaient tout aussi pertinents dans le cadre d’un appel en garantie.
Enfin, la Cour d’appel a confirmé le raisonnement de la juge de première instance à l’effet que les dommages causés ne constituaient pas seulement des malfaçons mais qu’ils entraient également dans la définition de « perte partielle » du bâtiment (ce qui peut d’ailleurs engager la responsabilité légale des entrepreneurs en cas de perte d’un ouvrage aux termes des articles 2118 et 2119 du Code civil du Québec).
Conséquemment, la Cour d’appel a constaté que les principes applicables à l’interprétation d’une police d’assurance de responsabilité des entreprises avaient bel et bien été appliqués en l’espèce, à savoir qu’il fallait d’abord déterminer s’il y avait eu un dommage au sens de la police avant d’étudier les exclusions et les exceptions qui y étaient contenues.