Réfection d’un pont – conditions de réalisation des travaux différentes de l’appel d’offres – demande d’accès à la documentation entourant le projet
Y.R. c. Québec (Ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports), [2016] QCCAI 231.
La Commission d’accès à l’information (la « Commission ») doit se prononcer sur la demande de M. Y. R. (le « demandeur »), président de l’entreprise SPG Hydro International inc., afin d’avoir accès à de la documentation détenue par le Ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports (l’ « organisme ») ayant trait aux études techniques, à la conception et à la préparation des plans et devis de la réfection d’un pont.
Le demandeur a procédé à une demande d’accès à de l’information auprès de l’organisme suite à la constatation qu’il a faite, lors des travaux sous-marins de réfection du pont, que les conditions hydrauliques étaient différentes de celles annoncées dans l’appel d’offres ainsi que lors de ses visites précédant le début des travaux.
Le demandeur considère que ces informations auraient dû figurer dans les plans et devis joints à l’appel d’offres et que ce défaut a entraîné des retards et des coûts supplémentaires.
L’organisme, bien qu’ayant transmis une partie de la documentation demandée, estime que la transmission de certains documents serait préjudiciable tant à lui-même qu’aux intervenants dans ledit projet.
Suite à ce refus partiel, le demandeur a présenté une demande de révision auprès de la Commission. La Commission a ordonné la tenue d’une conférence de gestion au terme de laquelle d’autres documents ont été transmis au demandeur. Les documents sur lesquels subsiste le litige sont de deux ordres :
- Documents dont le refus est total;
- Documents dont le refus est partiel, car ils ont été caviardés.
L’organisme fonde son refus d’accès sur différents articles de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (la « Loi sur l’accès »).
Documents visés par les articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès :
Tout d’abord, en vertu des articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès, l’organisme invoque qu’il ne peut communiquer, notamment, un renseignement industriel de nature confidentielle fourni par un tiers ni un renseignement fourni par un tiers dont la divulgation risquerait d’avoir un impact financier sur celui-ci ou de lui nuire dans sa compétitivité, et ce, sans son consentement.
À ce sujet, l’un des tiers dont les documents sont demandés ne s’est pas présenté à l’audition alors que les autres ont consenti à la communication des documents au demandeur. La Commission conclut à l’accessibilité desdits documents du tiers absent considérant qu’il appartenait à ce dernier de faire la preuve du préjudice résultant de la divulgation.
Documents visés par l’article 22 de la Loi sur l’accès :
L’organisme soutient que l’article 22 de la Loi sur l’accès lui permet de refuser la communication de documents pouvant lui porter préjudice, que ce soit, entre autres, dans le cadre de la conclusion d’un contrat, relativement à une perte financière ou lorsque la communication serait susceptible de lui nuire dans sa compétitivité.
Les documents visés par cette disposition sont deux documents intitulés « Bordereau des quantités et des prix – estimation » pour lesquels l’accès est refusé en partie ; ainsi que trois documents dont l’accès est refusé en totalité et portant sur les pénalités que l’organisme envisage d’imposer à l’entreprise du demandeur considérant le non-respect des délais, et ce, telles que celles-ci sont prévues au contrat les liant.
Quant aux documents de bordereau, suite à l’interrogatoire d’un représentant de l’organisme, il s’avère que ceux-ci servent à la planification des travaux, à la détermination du type d’appel d’offres à effectuer et à évaluer les soumissions présentées. Ledit représentant a indiqué que les chiffres caviardés sont confidentiels, car cela pourrait procurer un avantage à un entrepreneur. Néanmoins, il convient que leur divulgation après réalisation des travaux, comme dans cette affaire, ne devrait avoir que peu d’incidences.
De plus, le procureur de l’organisme soutient qu’il s’agit de renseignements appartenant à l’organisme, et ce, même s’ils ont été réalisés par un tiers mandaté à cet effet, et que leur divulgation pourrait nuire à l’organisme dans ses projets futurs si d’autres entrepreneurs y avaient accès.
Quant au demandeur, il soumet que les chiffres caviardés n’appartiennent pas à l’organisme, car il s’agit de prix provenant d’un fournisseur.
La Commission estime que les conditions de l’article 22 de la Loi sur l’accès ne sont pas remplies et qu’il y a lieu d’en permettre la communication au demandeur. En effet, elle juge que l’organisme n’a pas démontré que les risques de nuisance sont prévisibles et probables, car les arguments présentés relativement à un avantage pour de futurs contrats sont trop hypothétiques.
Relativement aux documents portant sur les pénalités que l’organisme envisage d’infliger à l’entreprise du demandeur, l’organisme soutient que leur divulgation lui serait préjudiciable, car il existe un recours en justice relativement à la responsabilité de l’entreprise du demandeur quant à des travaux non complétés.
Le procureur de l’organisme plaide que ces documents sont protégés, car il s’agit de renseignements financiers appartenant à celui-ci et que leur communication procurerait un avantage à l’entreprise du demandeur.
Ce dernier soutient que ces documents n’appartiennent pas à l’organisme, car ils ont été émis par un tiers, le surveillant du chantier, et ce, même s’il est un mandataire de l’organisme. Par ailleurs, il estime que la divulgation n’aura aucune incidence sur le litige en Cours.
Selon la preuve présentée, la Commission juge que la divulgation de ces documents n’entrainera pas une conséquence préjudiciable à l’organisme. En effet, elle ne voit pas comment la communication des pénalités, elles-mêmes prévues au contrat liant les parties, pourrait avoir une incidence sur le litige. La Commission permet donc leur communication au demandeur.
Documents visés par l’article 37 de la Loi sur l’accès :
Quant au dernier document dont l’organisme refuse l’accès en totalité et s’agissant d’une chaîne de Courriels à laquelle est jointe une note interne de l’organisme relativement à une demande de prolongation des délais pour les travaux de surveillance du contrat compte tenu des retards de l’entreprise du demandeur, l’organisme en refuse la communication en fondant sa décision sur l’article 37 de la Loi sur l’accès.
Cette disposition permet à l’organisme de refuser l’accès à un avis ou une recommandation, et ce, pendant 10 ans après son émission.
Après analyse des documents, la Commission juge que certains passages font l’objet de cette règle et que l’organisme est justifié de ne pas les divulguer. Par conséquent, elle permet l’accès à ceux-ci, mais en excluant les passages où un avis a été émis par l’organisme.
La demande de révision a donc été accueillie en partie par la Commission.