Une résidence emportée par les flammes – fausses déclarations lors de la souscription – refus de paiement de l’assureur
Laporte c. Intact, compagnie d’assurances, [2016] QCCS 3922.
Le tribunal doit déterminer si l’assureur est en droit de refuser de payer la réclamation de l’assuré et d’annuler ab initio le contrat d’assurance.
Le 24 juillet 2011, alors qu’il est absent, Jimmy Laporte (« Laporte ») perd intégralement sa résidence suite à un violent incendie. En effet, le fils du voisin de Laporte (« Nadeau ») s’est rendu compte du feu aux alentours de 4h du matin. Il a alors immédiatement appelé les secours qui sont arrivés sur place environ 25 minutes plus tard. En arrivant, le chef des pompiers s’aperçoit que le feu est généralisé. Malgré l’intervention des pompiers, la perte du bâtiment est totale.
L’assureur prétend que celui-ci est d’origine criminelle et que Laporte y est lié. De plus, il annule ab initio le contrat d’assurance invoquant l’absence de justification des revenus de Laporte et les fausses déclarations faites au créancier hypothécaire pour obtenir son crédit lors de l’achat de la résidence. Également, selon l’assureur, la présence de cannabis retrouvé sur place permet l’application de l’exclusion figurant au contrat d’assurance pour gestes criminels posés par l’assuré. Enfin, l’assureur juge le montant de la réclamation exagéré.
Le tribunal se penche tout d’abord sur l’aspect volontaire de l’incendie et rappelle son obligation d’appréciation de la preuve selon la balance des probabilités.
L’assureur appuie sa position sur plusieurs éléments. D’une part, le chef des pompiers a référé le dossier à la Sureté du Québec, car il était étonné que l’alarme incendie n’ait pas fonctionné, ainsi que de la rapidité de développement et de l’ampleur de l’incendie. De plus, suite à l’enquête, il est retrouvé à proximité du bâtiment un contenant rempli de cannabis. C’est alors que l’assureur a mandaté une unité spéciale d’enquête, laquelle, en fouillant les débris, découvre une broche métallique. Après comparaison, il s’avère qu’il s’agit d’une fusée routière. Par rapport à l’endroit où celle-ci est retrouvée et au niveau de la couche de débris analysés, les enquêteurs concluent qu’elle se trouvait dans le hall d’entrée, ce qui n’est pas une place habituelle pour ce type d’objet.
De plus, cette thèse semble corroborée par le témoignage de Nadeau qui a rapporté que les flammes étaient concentrées au rez-de-chaussée devant la porte d’entrée. Également, selon l’expert, une simple fusée ne suffirait pas à provoquer un incendie d’une telle ampleur, un combustible est nécessaire. Malgré le fait que des produits inflammables soient conservés par Laporte dans le sous-sol et le garage, l’expert ne peut tirer de conclusion à l’effet que ceux-ci aient un rapport avec l’incendie. Cela dit, des analyses sont faites et l’un des échantillons, pris dans l’entrée, est positif quant à la présence d’un distillat moyen de pétrole.
À la lueur de la preuve présentée, le tribunal conclut que l’incendie est volontaire. Néanmoins, cela ne signifie pas que l’assuré y soit nécessairement lié. L’assureur appuie sa position sur différents éléments.
Tout d’abord, le fait que la résidence soit en vente au moment du sinistre, et ce, contrairement aux dires de Laporte.
Aussi, il est démontré que Laporte recherche à ce moment-là du financement, mais qu’il ne parvient pas à en obtenir. D’ailleurs, la situation financière de Laporte est fragile, il a un train de vie au-delà de ses revenus, et ce, bien qu’il soit prouvé qu’il cache une partie de ceux-ci.
Cela dit, le tribunal énonce qu’une situation financière difficile ne permet pas de présumer que le sinistre résulte des faits et gestes de l’assuré. Le tribunal doit donc s’interroger s’il est possible d’induire de certains faits connus un fait inconnu, ainsi que de savoir si d’autres conséquences peuvent en résulter.
Selon le tribunal, les faits invoqués par l’assureur, que ce soit les rapports de la famille de Laporte avec la criminalité, ou le fait que celui-ci ait cessé, peu de temps avant l’incendie, d’avoir une ligne téléphonique terrestre permettant de relier le système à une centrale d’appel, ou sa situation financière ne permettent pas de le relier à l’incendie.
Le tribunal étudie ensuite la question de la nullité de la police d’assurance. L’assureur prétend, conformément aux articles 2408 et 2411 du Code civil du Québec (« C.c.Q. »), que s’il avait été informé de certaines circonstances, il n’aurait pas accepté le risque d’assurer Laporte. En effet, Intact fonde sa prétention sur les faits suivants : Laporte a fait de fausses déclarations au créancier hypothécaire pour obtenir son financement lors de l’acquisition de la résidence, la présence de cannabis témoigne de son activité criminelle, l’absence de justification de ses revenus soulève un doute quant au risque moral et la présence importante du père de Laporte qui est criminalisé affecte aussi le risque moral.
Suite à la preuve apportée, le tribunal conclut que Laporte a bel et bien fait de fausses déclarations pour obtenir son prêt et que la version de ce dernier à l’effet qu’il n’a rien à voir avec les faux documents n’est pas probante. Il est avéré que n’importe quel assureur qui aurait su que l’assuré avait obtenu un financement suite à une fausse déclaration aurait refusé le risque. Le tribunal conclut donc que l’assureur est justifié de demander la nullité du contrat.
Cependant, pour les autres motifs invoqués par l’assureur, le tribunal les refuse, car non justifiés ou non pertinents.
Le tribunal se penche alors sur l’exclusion pour geste criminel invoquée par l’assureur suite à la découverte du cannabis. Il n’est nullement démontré que la résidence abritait des activités criminelles. Le tribunal conclut au rejet de l’application de la clause d’exclusion.
Après analyse de l’ensemble des questions en litige, le tribunal conclut en l’origine volontaire de l’incendie sans pouvoir le lier à Laporte, mais que la position de l’assureur quant à l’annulation de la police par suite des fausses déclarations de Laporte est bien-fondée.
Le tribunal rejette donc la requête introductive d’instance du demandeur et déclare la police d’assurance nulle.
Enfin, le tribunal ordonne une compensation entre le montant des primes payées par l’assuré devant lui être remboursées par l’assureur et l’avance pour frais de subsistance reçue par l’assuré de l’assureur, soit une somme de 9 735,47 $ due par Laporte à Intact.